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8 juillet 2012 7 08 /07 /juillet /2012 15:43

 

 

 

 

 

 

Mon pauvre père – comme on dit dans le sud à propos d’un défunt qu’on a beaucoup aimé – ouvrit jadis le congrès de son petit syndicat de libraires avec un « Mes chers confrères, n’oublions jamais que dans ‘’libraire’’ il y a ‘’braire’’… », qui produisit son petit effet.

 

Je n’ai pu m’empêcher d’y repenser en lisant sur le site dédié à la grande concertation sur l’Ecole, http://www.refondonslecole.gouv.fr/, le détail des modalités de ce qui sera, à n’en pas douter, le grand œuvre de Vincent Peillon, et dont je me demande si, révérence parler, il ne se paie pas tout d’abord notre tête – celle des enseignants, naturellement, mais aussi celle des élèves, et plus largement celle du peuple français.

 

Quelques naïfs, à Reconstruire l’Ecole, se sont étonnés de ce que nous ne soyons pas conviés aux festivités, pas plus que ne le sont le Collectif Sauver Les Lettres, l’ALLE ou le GRIP-SLECC. Nous n'en concevons aucune amertume. Ne rêvons pas : pour ce qui concerne notre association, nous ne disposons ni de la visibilité ni des réseaux suffisants, à tous les sens du terme, pour intéresser les promoteurs de cette opération, qui ne vise rien d’autre qu’à donner une légitimité soi-disant démocratique au projet pédagogique, idéologique et technocratique concocté depuis quelques années par le Parti Socialiste et ses alliés de l’UNSA-FEN, du SGEN-CFDT, d’Education et Devenir, et autres CRAPs ejusdem farinae. Relégués dans les rangs de la droite passéiste ou des réacs de gauche par ceux qui ne nous ont pas lus, nous n’avons aucune parole susceptible de porter dans un cérémonial où, de facto, tout est mis en place pour que soient données, aux questions posées et qui sont parfois pertinentes, les « bonnes » réponses allant dans le sens de ce qui a été décidé à l’avance dans les divers think-tanks revenus bien en cour.

 

La présidente de RE irait-elle jusqu’à soupçonner les ministres de malhonnêteté intellectuelle dans cette affaire ? Certainement pas : nous savons bien que le PS, de ce point de vue, est absolument irréprochable. Mais il est permis de s’étonner et de la composition du  comité de pilotage qui rendra ses conclusions en octobre, et de la nature des questions posées, dont certaines incluent déjà la réponse en laissant parfois craindre des mesures pour le moins contestables, et de l’organisation des quatre groupes de travail.

 

Le comité de pilotage est donc composé de Nathalie Mons, professeur de sociologie à l'université de Cergy-Pontoise, Christian Forestier, ancien recteur et administrateur général du CNAM, François Bonneau, président de la région Centre et vice-président de l'ARF en charge de l'éducation, et Marie-Françoise Colombani, éditorialiste au magazine ELLE. Trois « technos » et une journaliste, tous choisis, j’imagine, pour la neutralité et  la salutaire distance qu’ils vont établir avec le vaste sujet de la réflexion…

 

Quant aux questions, ce sont parfois les bonnes, comme par exemple « la priorité à l'enseignement primaire et aux premières années d'apprentissage » en « dégageant les contenus, les méthodes et les modes d'organisation les plus efficaces » pour « s'attaquer au noyau dur de la difficulté scolaire », «l'ensemble de la scolarité obligatoire et ses enjeux, en particulier pour faire diminuer les sorties sans qualification et améliorer l'orientation ». Magnifique. Qui pourrait se prononcer contre ? Tout dépend des réponses qui seront données – et c’est là que  la situation  se corse : en effet,  les autres «questions décisives » sont  «l'amélioration des rythmes scolaires » (en clair, comment faire travailler plus les personnels en ne les payant pas davantage,  tout en  leur demandant de participer eux-mêmes à la destruction de leurs propres statuts) et « le recours à des méthodes de travail renouvelées et aux outils numériques », qui ouvre peu ou prou sur une didactisation gadgétique à l’efficacité aussi mousseuse qu’aléatoire.

Tout ceci permet surtout d’éviter de poser les questions qui fâchent, et particulièrement celle des programmes, autour de laquelle tout devrait s’articuler si l’on veut  vraiment re-fonder l’Ecole, c'est-à-dire  lui redonner, stricto sensu, des fondations, des fondements et des fondamentaux.

 

Les ministres évoquent également « la mise  en  place  d'une formation initiale et continue de qualité (…)  afin de revenir sur les graves insuffisances de la situation actuelle et pour adapter le métier de professeur aux nécessités de cette nouvelle ambition pour l'école » : comment ne pas comprendre « IUFM, le retour… » ? Car pourquoi changer des méthodes et des pratiques qui ont fait la preuve de leur inefficacité, puisque, dans l’esprit de leurs thuriféraires, la crise de l’Ecole vient précisément de ce que l’on n’est pas allé assez loin dans l’autonomie des établissements, l’expérimentation à tous crins, la déconcentration, l’élève au centre du projet, le décloisonnement, l’allégement des contenus et l’antibisme transcendantal ?



En ce qui concerne les quatre groupes de travail, il est parfois permis de s’interroger sur les critères de choix des personnalités qui les pilotent.  Rien d’étonnant, a priori, à ce que le premier, « la réussite scolaire pour tous », soit présidé par Nicole Belloubet, vice-présidente de la région Midi-Pyrénées, ancienne rectrice de Limoges et Toulouse,  et présidente d'une association nationale d'éducation populaire, la FOEVEN. En revanche, j'ai du mal à saisir au nom de quelle logique Agnès Buzyn, présidente de l'Institut national du cancer, présidente du conseil d'administration de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire et membre du Comité à l'énergie atomique, va présider le second,  « les élèves au cœur de la refondation », sauf à en déduire que le sujet est particulièrement explosif, naturellement (OK, je sors cinq minutes). Le troisième, « un système éducatif juste et efficace », sera chapeauté  par un certain Francois Momboisse, président de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance, ce qui plonge la Présidente dans un abîme de perplexité…  J’aimerais, en toute bonne foi, moi qui ai toujours pensé que l’Ecole n’est pas une entreprise, que l’on m’explique en quoi la VPC peut servir de modèle d’efficacité scolaire. Mais je dois avoir mauvais esprit, je le crains, ou alors je suis déjà blonde (voir plus loin).

J’ai gardé pour la bonne bouche le bien connu Yves Durand, ancien vice-président du groupe socialiste à l'Assemblée, co-rapporteur de la mission d'information parlementaire sur les rythmes scolaires au primaire et membre de la mission d'information parlementaire sur la formation initiale et les modalités de recrutement des enseignants ; il présidera  le dernier groupe de travail, « des personnels formés et reconnus », et tiendra donc sur les fonds baptismaux le nouveau bébé qui se substituera aux  IUFM comme  le Bitter San Pellegrino ® remplace le Campari ®.

 

Enfin, le fait que Bruno Julliard soit chargé de la concertation et de la préparation de la loi d'orientation est à lui seul susceptible de désespérer définitivement tout enseignant de terrain et de bonne volonté (zeugma). Comprenez-moi bien : je n’ai rien contre lui en tant que personne, mais comment prendre au sérieux un jeune homme qui n’a jamais vu d’élèves autrement qu’en photo, et qui, passé directement de la direction de l’UNEF à celle du PS, n’a à aucun moment mis un tant soit peu les mains dans le cambouis ?

 

Bref, tout ce dispositif technocratique ne laisse rien présager de bien positif. Le souvenir cuisant des consultations Prost et Meirieu, soigneusement bidouillées, est encore dans toutes les mémoires, et la Présidente, assez échaudée par les précédentes expériences pour se sentir aussi méfiante que le Sioux qui vient de naître, s’engage ici solennellement à se faire TEINDRE EN BLONDE PLATINE (ceux qui me connaissent imaginent aisément le résultat) s’il ressort de cette grrrrande concertation autre chose qu’une synthèse pour ainsi dire déjà rédigée et qui ressemblera comme deux gouttes d’eau à tout ce qui est proposé depuis des mois par les pédagogues socialistes et assimilés.

 

Alors, que faire ? « Un site internet est mis en place dès aujourd'hui afin que les citoyens à titre individuel (puissent) contribuer au débat », précise le ministère. De son côté, la FSU vient d'ouvrir un site destiné à accueillir les contributions,  http://www.desideespourleducation.net/

Rien ne nous/vous empêche d’y faire parvenir vos cogitations, ne serait-ce que pour rompre un tant soit peu avec ce qui ne devrait pas être une unanimité de façade. Il y a des moments où quelques fausses notes ne nuisent en rien à la beauté d’un ensemble, n'est-ce pas.

 

Parce que nous ne sommes pas des opposants systématiques, l’association Reconstruire l’Ecole ne demande qu’à être heureusement surprise, et applaudira tout ce qui ira dans le sens de ce qu’elle revendique depuis des années. Mais il faut avouer que cette Concertation, telle qu’elle semble s’organiser, ne laisse pas d’inquiéter quant à ce qui en sortira.

Puisse la montagne ne pas accoucher d’une méchante souris…

 

NB : Les membres conviés  :

http://www.refondonslecole.gouv.fr/wp-content/uploads/2012/07/les_premiers_membres_de_la_concertation.pdf

 

Et toujours, le site de RE, http://www.r-lecole.fr/

 



 

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commentaires

I
<br /> J'aime bien ton titre, Françoise, mais les non-latinistes ne saisiront pas la moitié de son esprit ...<br /> <br /> <br /> Mon vénéré Gaffiot dit pour certo : chercher à obtenir l'avantage sur quelqu'un, lutter ...<br /> <br /> <br /> C'est bien de ça qu'il s'agit, et non du sens affadi que l'on accorde ordinairement à "concertation".<br />
Répondre
L
<br /> <br /> C'est très juste, isabelle. "Certare", c'est lutter, et "certamen", le combat -- qui s'annonce rude, comme dit le Cid... <br /> <br /> <br /> <br />