Ainsi donc Mme Vallaud-Belkacem « consulte ». Suite au refus d’un certain nombre d’élèves de partager la minute de silence en mémoire de CHARLIE, et parfois même au vu des réactions enthousiastes que la nouvelle de ce massacre a provoquées chez les chers petits apprenants, la ministre a reçu en catastrophe syndicats d’enseignants, syndicats de lycéens et associations de parents d’élèves, afin de «préparer une mobilisation renforcée de l'École pour les valeurs de la République».
Bravo, bravissimo. Enfin de l’action ! Comment être contre ? C’est magnifique, c’est citoyen, c’est beau comme l’Antique.
En parlant d’Antique, certains esprits chagrins (dont je m’honore de faire partie) pourraient avoir le mauvais goût de rappeler qu’en dix ans trois rapports sur les tensions religieuses à l’École ont déjà fait état de situations similaires, ce qui aurait dû donner l’alerte si on n’avait pas (de peur de faire des vagues, de sembler « stigmatiser », pour reprendre un verbe malheureusement à la mode, des populations trop souvent en difficulté économique, ou de froisser un électorat dont les voix sont précieuses) décidé de ne rien décider et de faire comme si tout allait pour le mieux dans la meilleure des tolérances possibles.
Récapitulons :
- Dès 2002, on décida de passer à la trappe http://www.lexpress.fr/.../le-rapport-voile_460151.html le rapport Obin sur les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires
ftp://trf.education.gouv.fr/.../rapports/rapport_obin.pdf
Il fut finalement publié deux ans plus tard aux éditions Max Milo, et sa lecture est édifiante : toutes les dérives auxquelles nous assistons aujourd’hui sont en germe, si je puis oser la métaphore filée incohérente (mais pas plus incohérente que l’absence de volonté politique qui a présidé à l’enterrement de ce document).
- En octobre 2011, un rapport de l’Institut Montaigne, sous l’égide de l’islamologue Gilles Keppel « Banlieue de la République », et qui demeura absolument sans suite. Il y avait pourtant de quoi faire, si l’on avait voulu.
http://www.institutmontaigne.org/fr/publications/banlieue-de-la-republique-0
- Et enfin, en 2012, les travaux du HCI (Haut Conseil à l’Intégration) sur la laïcité à l’École et à l’Université http://archives.hci.gouv.fr/IMG/pdf/Pedagogie_de_la_laicite-web.pdf , eux aussi ensevelis sans fleurs ni couronnes par le gouvernement après une polémique sur le voile à l’Université.
Le rapport Obin, c’était il y a dix ans, quand on aurait encore PU faire quelque chose, si on avait consenti à regarder la réalité dans toute sa cruelle évidence (vous notez que j’ai résisté à la tentation du « ne pas se voiler la face »...)
Mais on a préféré jouer « les Trois Singes Sages ».
À présent que le mal est fait, que les « dessinateurs impies » sont aussi morts que les « flics apostats » et les « juifs ennemis », tout est à reconstruire.
Remettre de la laïcité à l’École et s’en donner les moyens, être intransigeant devant les communautarismes, sanctionner sans pitié tout dérapage raciste, antisémite, islamophobe, sexiste ou homophobe, ne plus tolérer l’étalage d’opinions qui sont en fait des délits … demandez le programme, ce qui suppose en premier lieu de REVENIR SUR LA LOI JOSPIN DE 1989 qui, en accordant le droit d’expression aux élèves, a ouvert un espace, que dis-je un boulevard, propice à tous les dérapages sur lesquels pleurnichent aujourd’hui les mêmes gouvernants qui les ont, par leur refus d’agir, par leur lâcheté politique, par leur aveuglement, objectivement préparés.