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14 septembre 2015 1 14 /09 /septembre /2015 09:23
AH ÇA HERA ÇA HERA ÇA HERA !

Aaaah, septembre…

Pour les uns la rentrée des classes, pour ma part un retour temporaire dans mes foyers (et d’émouvantes retrouvailles avec mon ordinateur chéri…), pour tous le choc frontal avec le réel de l’Education Nationale dans toute son obtuse brutalité, la réforme du Collège, dont on a dit et redit tout le mal qu’on pouvait en penser, et que la ministre, nonobstant l’opposition de la majorité des enseignants et même des parents, a entrepris de faire appliquer à marche forcée.

En effet (et qu’on n’hésite pas à me donner des contre-exemples si je Mabuse sur ce coup-là), c’est sans doute la première fois, depuis que je suis entrée dans la carrière, c’est-à-dire septembre 1976 si je compte l’année de stage, que je vois une réforme s’appliquer d’un bloc, et non pas niveau par niveau. Et pourtant, Dieu ( ?) sait si j’en ai vu passer, des réformes à la khon.

EXEMPLI GRATIA

Rien ne valant mieux qu’un petit exemple, je reviens sur la calamiteuse réforme des lycées dite Chatel-Descoings, appliquée à la rentrée 2010-2011 pour la classe de seconde, 2011-2012 pour celle de première et 2012-2013 pour la terminale, donc progressivement (à défaut de progressistement).

Puisqu’on parle de progressisme, rien de tel pour Mme Vallaud-Belkacem, qui, après le passage en force du printemps dernier, sur lequel on ne reviendra pas, entend imposer en bloc toutes les mesures délétères décrétées, on le sait, au nom des valeurs de la République (que de crimes on commet en ton nom !) de l’égalité et du savoir émancipateur – noyade du poisson obscurantiste dans un discours se réclamant des Lumières, ça c’est de la comm’ coco.

En clair, dès la pré-rentrée, les professeurs ont été fermement incités à plancher en chœur sur les EPI et autres admirables trouvailles (1) susceptibles d’être proposées à nos chères têtes blondes, rousses et brunes en septembre 2016. Message subliminal pour les ceusses qui n’avaient pas encore compris : quoi que vous puissiez dire ou faire, nous avons les moyens de vous faire exercer ces pédagogies que vous désapprouvez mais qui ouvrent sur les « nouvelles identités professionnelles », comme dit le think-tank (tank, c’est exactement le mot) Terra Nova (2), qui vont avec. Nous ferons de vous un professeur nouveau -- et votre bonheur malgré vous !

Bref, comme vous pouvez le voir sur le site du jus-pédago (3), « le texte envisage l'application en bloc de la réforme pour tous les niveaux du collège dès la rentrée 2016 et non une application niveau par niveau à partir de la rentrée 2016. »

Précisons de surcroît, -- et là encore c’est le Café Pédagogique (4) qui l’explique, pas une bande de pseudozintellectuels de mauvaise foi, que « la formation des enseignants prévue dans la réforme du collège, aura sans doute lieu en plus des heures de cours et sans aucune rémunération. « C'est la thèse développée par Philippe Tournier, secrétaire général du SNPDEN, le syndicat très majoritaire des personnels de direction, le 10 septembre. Ces propos se basent sur le nouveau statut des enseignants en application depuis le 1er septembre et sur la "zone grise" des obligations de service en dehors des heures de cours. »

Travailler plus pour gagner toujours aussi peu, même Sarkozy ne nous l’avait pas faite, celle-là…

ODERINT, DUM METUANT

Peu importe que l’intersyndicale appelle, pour le 17 septembre, à une grève dont on espère qu’elle sera massive : la ministre s’assoit dessus, avec son beau sourire certes, mais la totale indifférence des puissants persuadés, à force de croire en leurs propres mensonges, qu’ils ont raison envers et contre tous, y compris et surtout contre les professionnels et les gens du terrain.

AH ÇA HERA ÇA HERA ÇA HERA !

Quant à ceux qui protestent un peu trop fort, il pourrait leur en cuire ! Le caporalisme, dont on sait qu’il est, dans l’Education Nationale, bien mieux en usage que le bon sens, s’exerce alors sans scrupule.

EDERE EXEMPLUM SEVERITATIS

Ainsi ces amoureux des langues anciennes venus de tous les horizons politiques et syndicaux, réunis par les réseaux sociaux, et qui ont entrepris, en posant pour un calendrier déjanté, de défendre avec humour le latin et le grec, menacés de disparition par la réforme : http://fr.ulule.com/calendrierdesimmortels/ (5). L’un d’eux, convoqué au Rectorat de son académie, s'est entendu dire que le calendrier pouvait relever d'une « atteinte à la dignité de la fonction publique » et au « devoir de discrétion » et s'est vu menacer, en cas de « récidive », de sanctions pouvant aller jusqu'à « l'exclusion temporaire » (sic !).

Peu importe que le devoir de réserve, rappelons-le, n’existe pas dans les textes de loi, précisément la loi Le Pors de définition du statut de la Fonction publique (6) : l’essentiel est d’intimider et de faire taire.

PERSEVERARE DIABOLICUM

Encore plus fort : Romain Vignest, Président de l’Association des Professeurs de Lettres, et en tant que tel auteur le 22 mars dernier, sur le site de l’APL, d’une déclaration énergique inspirée par la juste colère de tout défenseur des humanités qui se respecte, http://www.aplettres.org/pages.php?p=article&art=69, a reçu le soir même, du directeur académique des services de l'Éducation Nationale en charge des collèges au rectorat de Paris (comme quoi monsieur sait lire…) un courriel s'indignant, je cite, de « la violence outrancière des propos qui sont tenus à l'égard d'une politique issue de la représentation nationale » -- très drôle, quand on pense que la réforme du collège n’est pas passée devant le Parlement, mais glissons, mortels, n'appuyons pas : et pas de blague, la République est en danger !

Traiter d’extrémiste un garçon aussi pondéré que Romain Vignest, que j’ai croisé naguère aux « Assises des Lettres » à Toulouse, où nous intervenions chacun pour son association (7), ferait tout bonnement sourire, si les choses s’en arrêtaient là ; mais tel ne fut pas le cas.

En représailles, ledit «directeur académique des services de l'Éducation Nationale en charge des collèges au rectorat de Paris » (oufff !) retire le soutien du rectorat à une conférence sur Voltaire organisée par l'APL, qui doit se tenir – et se tiendra malgré tout – au lycée Henri-IV. « Censurer Voltaire, il fallait y penser ! », soupire Sophie Coignard (8) dans une de ses chroniques du Point.

QUO NON DESCENDENT ?

Toujours d’après Sophie Coignard, « ce haut fonctionnaire, l'un des principaux représentants de la ministre pour l'académie de Paris », s'en prend également, sans aucun motif, aux qualités professionnelles de Romain Vignest, dont il est par ailleurs le supérieur hiérarchique : « Je suis inquiet pour les élèves que vous formez si vous vous situez dans le registre de l'outrance en usant de termes qui sont implicitement vecteurs de violence » , explique-t-il, confondant sans vergogne le représentant d'association et le professeur

Dans un second courriel, le directeur académique etc. etc. de la rhubarbe et du séné déplore « que la déclaration hostile à la suppression du latin et du grec comme disciplines à part entière à partir de la rentrée 2016 ait pu être tenue… un jour d'élection. Ce dimanche 22 mars avait lieu le premier tour des élections départementales. Où est passée la neutralité de la fonction publique ? »

« L'usage républicain veut que l'administration fasse la différence entre le militant associatif (ou le syndicaliste) et le fonctionnaire, et qu'elle ne prenne pas prétexte des activités du premier pour s'en prendre au second », conclut la journaliste du Point. Il semble que dans leur crispation autoritariste et leur précipitation à agir vite pour mettre tout le système devant le fait accompli, les instances qui nous régissent aient juste oublié ce menu détail.

NUNQUAM TIMERE, NUNQUAM DOLERE

AH ÇA HERA ÇA HERA ÇA HERA !

… Face à une telle accumulation de caporalisme et de mauvaise foi, une seule réponse, l’action. L’intersyndicale appelle à la grève ce jeudi 17 : soyons nombreux et motivés, et, sans prendre nos désirs pour des réalités (seule une action de grande envergure fera plier la ministre), soyons nombreux à y participer, et, pour ceux qui ne sont pas, ou plus, dans ce grand navire en perdition que devient l’Education Nle, à rejoindre les cortèges.

  1. Voir par exemple ici même les anthologiques tracts écolo-bien-pensants rédigés en espagnol à destination des floriculteurs kényans http://leblogdelapresidente.over-blog.com/2015/04/clisthenum-donare-ensuita-purgare-postea-saignare.html
  2. Lien ici. ATTENTION, âmes sensibles et humanistes s’abstenir, c’est du très brutal http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2015/09/10092015Article635774657847003012.aspx
  3. http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2015/06/11062015Article635696055976231470.aspx
  4. http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2015/09/11092015Article635775523069451796.aspx
  5. Dépêchez-vous,bientôt la fin de la souscription ! Le 16 septembre, c’est après-demain ! Festina, sed non lente !
  6. http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=5296&indice=1&table=CONSOLIDE&ligneDeb=1 loi 83-634
  7. www.canal-u.tv/video/universite_toulouse_ii_le_mirail/table_ronde_enseigner_les_humanites_enseignement_secondaire_les_filieres.6419
  8. http://www.lepoint.fr/editos-du-point/sophie-coignard/education-gare-a-ceux-qui-osent-critiquer-la-reforme-07-09-2015-1962499_2134.php
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commentaires

J
Je ne trouve pas du tout qu'il y ait matière à s'extasier devant le "succès" de la grève du 17. Ladite grève me paraît même plutôt un bide fracassant. Peut-être est-il difficile de mobiliser les gens quand on ne leur présente pas un objectif sur lequel tout le monde puisse s'entendre sans avoir à palabrer pendant des semaines pour essayer de vérifier si on est bien sur la même longueur d'ondes. Il me semble que la seule raison qui aurait pu décider nos collègues a se mettre en grève, c'est le fait qu'on ait fixé comme objectif de la scolarité obligatoire ( 16 ans! ) la validation d'un "socle commun", c'est-à-dire d'une prétendue base qui doit nécessairement être "commune à tous les élèves même les plus faibles". Je trouve que les opposants à la réforme du collège n'insistent pas assez sur ce qualificatif, car il leur apporte sur un plateau le moyen de discréditer l'ensemble de la réforme : le "socle commun", c'est très exactement, si on s'attache au sens des mots, le "rien". Ce terme apporte donc par lui-même la preuve irréfutable que l'intention de la loi Peillon et du décret Belkacem est bien de niveler par le bas. Tout le monde le répète, mais personne jusqu'ici n'en apporte la preuve. Or elle est là, sous nos yeux, il suffit de s'en servir !
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